La fraude sociale : un vrai problème ?

Le mardi 18 avril sur BFM-TV, Bruno Le Maire, le Ministre de l’Économie nous disait : « Nos compatriotes en ont ras le bol de la fraude [sociale]. Ils n’ont aucune envie de voir que des personnes peuvent bénéficier d’aides, les renvoyer au Maghreb ou ailleurs, alors qu’ils n’y ont pas droit. Ce n’est pas fait pour ça, le modèle social. » Il y a deux jours, c’était au tour de Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics, d’annoncer un plan de lutte contre les fraudes sociales…



Incorrigible diversion politique, la criminalisation des plus précaires continue de faire des ravages. La réalité est pourtant bien différente. Il existe deux types de fraudes (la fraude fiscale et la fraude sociale) et deux sous catégories de fraudes sociales (la fraude aux cotisations et la fraude aux prestations). La fraude sociale dont parle Bruno Le Maire, c’est celle aux prestations, estimée à 2,3 milliards par an par la CNAF en 2018 pour les allocations du RSA, APL et prime d’activité.

Or, il existe un taux de non recours aux aides sociales, rien que pour le RSA, qui représente un budget entre 3 et 5 milliards d’euros par an. Ce budget dépasse largement l’estimation de fraude aux prestations sociales… Autrement dit, l’Etat gagne plus avec le non recours de certaines aides qu’il ne perd avec la fraude aux prestations. Taux de non recours que le budget de l’État prévoit… Messieurs Le Maire et Attal le savent pertinemment bien.

En ce qui concerne la fraude aux cotisations sociales des entreprises (sous-catégorie de la fraude sociale), 2,2 milliards ont été détectés en 2022, tandis que l’Insee l’estime entre 20 milliards et 26 milliards au total (travail dissimulé ou détaché). La fraude aux prestations (aussi appelée fraude aux allocations), ne coûte non seulement rien à l’État, mais représente surtout une maigre part de la fraude sociale au sens large.

Si l’on s’intéresse maintenant à la fraude fiscale, celle-ci s’élève entre 80 et 100 milliards de manque à gagner. Ce à quoi se rajoute l’évasion fiscale qui est malheureusement en partie légale (estimation de 12 milliards par la commission européenne en 2022).

Ainsi, en n’évoquant qu’une sous-catégorie de fraude, celle qui par ailleurs, coûte le moins à l’Etat, Monsieur Le Maire stigmatise parmi les plus démunis des citoyens et citoyennes de notre société. Et alors qu’aucune donnée consolidée n’existe à cet égard, il vise une région étrangère en particulier. C’est typiquement ce que nous pouvons appeler un stéréotype raciste.

Nous comprenons chez Équinoxe le besoin de l’Etat et l’attente de nos concitoyens de lutter contre les fraudes. Cependant, la lutte doit concerner toutes les fraudes et non diviser la société pour servir des stratégies politiques. Nous proposons donc d’augmenter les moyens de contrôle de tous les organismes luttant contre les différentes fraudes par ordre de priorité.

Afin que la nouvelle politique fiscale soit la plus efficace possible, nous lancerons et appuierons toutes négociations et traités pour établir des impositions minimum à l’échelle européenne et mondiale, pour la lutte contre les paradis fiscaux et l’évasion fiscale. Par exemple, une réflexion sur un impôt basé sur la nationalité et non seulement sur la territorialité permettrait de lutter contre le chantage du départ à l’étranger des grandes fortunes.



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