Alouette des champs — Crédits : Didier Descouens
Depuis de nombreuses années, plusieurs études scientifiques ont mis en évidence les conséquences de l’usage des pesticides sur la faune et la flore : ces derniers ont un impact majeur sur l’effondrement des populations tout comme sur la diminution de la richesse et de la diversité de la faune du sol.
Avec 1 983 séries temporelles [1], 115 espèces d’oiseaux (sur 170 répertoriées en Europe), dans 28 pays et durant 37 ans, des scientifiques européens ont pu identifier les liens de causes à effets entre les activités humaines et leur impact sur les populations d’oiseaux :
Cette étude scientifique longitudinale, publiée dans le PNAS (une des revues scientifiques multidisciplinaires les plus citées et reconnue internationalement), conclut que l’agriculture intensive et l’usage des pesticides qui y est associé, ont un impact plus important que le changement climatique, l’urbanisation ou la perte de surface forestière, sur la diversité et la richesses des populations d’oiseaux.
Selon l’étude, le rythme de déclin des populations d’oiseaux est, depuis les années 1980, effarant, notamment pour les populations spécifiques aux champs tels que l’alouette des champs ou le vanneau huppé. Le nombre d’individus de ce groupe d’oiseaux (les “oiseaux des champs”) a diminué de 58% depuis 1980 contre seulement 18% pour les oiseaux des forêts, et 28% pour les oiseaux urbains. Grâce à une méthode d’évaluation appelée la régression des moindres carrés partiels (bien expliquée ici), les scientifiques ont démontré que l’intensification de l’agriculture était la principale pression négative sur l’abondance des populations d’oiseaux.
Les traits roses sur la figure ci-dessous représentent les impacts négatifs produits par les activités (la colonne de gauche) sur l’abondance des populations d’oiseaux (la colonne de droite), les traits bleus représentent les impacts positifs et les traits gris les impacts non significatifs. Plus les traits seront larges et plus ils montreront un impact fort.
Cette figure indique que les pratiques agricoles intensives (“high input farm cover dynamics”) telles que l’utilisation importante de pesticides, ont en très grande majorité des impacts négatifs sur l’abondance de toutes les populations d’oiseaux et un impact particulièrement prononcé sur les oiseaux des champs et migrateurs (“farmland” et “migrants” dans la colonne de droite). Par ailleurs, on peut souligner que les oiseaux des champs sont ceux pour lesquels toutes les activités humaines ont un impact négatif (ou non significatif), expliquant donc leur déclin particulièrement prononcé.
Malheureusement, les oiseaux ne sont pas la seule espèce impactée par l’agriculture intensive, qui affecte durablement l’abondance des espèces peuplant le sol environnant.
Une autre étude scientifique, une méta-analyse cette fois, parue dans “Journal of applied Ecology” (autre journal à haute valeur scientifique) a étudié l’impact particulier des pesticides sur les communautés de la faune du sol. Les données issues de 54 études et de 294 observations ont été utilisées pour quantifier l’effet des pesticides sur des communautés naturelles de faune du sol au regard de leur abondance, biomasse, richesse et diversité dans différents contextes environnementaux.
Cette étude allègue que le déclin est tout aussi drastique que pour les oiseaux. Il a été mis en évidence que les pesticides diminuent l’abondance et la diversité des communautés de faune du sol et qu’ils ont des effets plus importants sur la diversité [2] que sur l’abondance. Cependant, les communautés d’invertébrés présents dans le sol sont cruciales dans cet écosystème et représentent une majorité de sa biodiversité globale (jusqu’à 1000 espèces d’invertébrés peuvent être présentes sur 1m²).
Les scénarios [3] qui impliquent l’utilisation de plusieurs substances combinées, font l’état d’une diminution sans équivoque de la diversité de la faune du sol même à des doses recommandées… Or, nous savons que la bonne santé des écosystèmes, à commencer par ceux qui nous permettent de nous nourrir, est la condition première qui permet aux sociétés humaines de se développer.
C’est pourquoi nous saluons les nouvelles régulations européennes regardant l’usage des pesticides (diminution de 50% de l’utilisation des pesticides d’ici à 2030) bien que cet objectif ait déjà été formulé pour 2025 (avec une sortie totale du glyphosate pour 2022) dans le cadre du plan Écophyto II+, en réponse à une obligation européenne visant à instaurer un cadre d’action communautaire pour parvenir à “une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable”. Comme souvent, et particulièrement en matière de biodiversité, nous n’avons pas atteint nos objectifs.
En effet, on pourra se donner tous les objectifs que nous voulons, nous ne les atteindrons jamais si nous n’opérons pas un changement du système agricole en profondeur. Il est donc aujourd’hui, plus que jamais, temps d’engager un changement profond de nos modes de production et de consommation.
Pour faire advenir ces changements, rejoignez-nous !
📌 Notes de bas de page :
[1] Une série temporelle, ou série chronologique, est une suite de valeurs numériques représentant l’évolution d’une quantité spécifique au cours du temps.
[2] La diversité prend ainsi en compte aussi bien le nombre d’espèces que la distribution des individus au sein de ces espèces.
[3] Les scénarios compilent l’effet de différents types de pesticides (herbicides, fongicides, insecticides, substances à large spectre, et effets de plusieurs substances combinées), suivant différents taux d’application et durées d’exposition (court-terme ou long-terme), sur les différents groupes fonctionnels de la faune du sol (taille du corps, présence d’un exosquelette).