Les aides agricoles françaises : Entre incohérences et absurdités



Entre les grandes cultures céréalières, le maraîchage, les différents types d’élevage, les filières dites “conventionnelles” et celles dites biologiques, l’agriculture se pratique de bien des manières en France. Toutes ces pratiques agricoles ont déjà connu des crises. Ces dernières années, elles se multiplient et surviennent en parallèle. L’Etat apporte des aides financières mais nous allons voir qu’elles ne sont pas toujours équitables et parfois incohérentes avec les objectifs fixés par l’Etat lui-même.

L’inflation d’après COVID a plongé la filière bio dans une crise profonde. En 2022, les seules mesures de “soutien” consistaient à annuler la baisse prévue du budget Avenir Bio1 et à doubler le budget de campagne de communication (500 000 à 1 000 000 euros). 10 millions d’euros, c’est la somme promise lors du salon de l’agriculture 2023 par Elisabeth BORNE à l’ensemble de la filière bio pour l’aider à surmonter la crise2 qu’elle traverse. Cela représente en moyenne la somme ridicule de 171 euros par exploitation bio (Agence bio, 2021).

Le gouvernement a, depuis, pris la mesure de la crise que traverse la filière bio et a annoncé en mai 2023 relever le plafond d’aide à 60 millions d’euros. Pour respecter l’objectif de la loi EGalim (20% de produits bio dans la restauration collective d’ici la fin de l’année), 140 millions d’euros supplémentaires ont été annoncés. Ceci augmente donc l’aide directe aux producteurs bio mais aussi une aide indirecte à la relance de la consommation de produits bio, une des causes de la crise de la filière.

Pour une mise en perspective, la filière Volaille a reçu 1,2 milliard d’euros d’aide en 2022 pour gérer la grippe aviaire. La filière porcine a, quant à elle, reçu 350 millions d’euros pour cause de peste porcine et augmentation du coût de l’alimentation (aide saluée par la filière car elle n’avait pas reçu de plan d’aide depuis plusieurs années voire décennies). Encore 160 millions pour la filière viticole, afin de distiller le surplus de production et une indemnisation pour les betteraviers pour compenser la baisse potentielle de production faisant suite à l’interdiction définitive des néonicotinoïdes.

Nous ne remettons pas en cause le bien fondé de ces aides qui, ponctuellement et à court-terme, sont toutes nécessaires. Mais il faut souligner qu’elles manquent de cohérence et de vision à moyen et long-terme. La très grande majorité de ces aides ne font qu’indemniser la profession agricole pour des pertes de revenus et l’augmentation des charges. Elles ne visent pas à éradiquer les causes des crises qui traversent le monde agricole (course à la rentabilité et au productivisme avec surendettement, participation à l’effondrement de la biodiversité/érosion des sols fertiles/pollution de l’eau…). A titre d’exemple, l’intensité et la fréquence des grippes aviaires doivent nous alerter sur la nécessité de transformer l’élevage avicole (diversifier les espèces et les races…).

Si l’Etat ne fait que réagir aux crises et indemniser les pertes de productions, cela n’aide ni les filières à se transformer, ni à s’adapter afin d’être plus résilientes aux crises à venir. Nous aurons beau indemniser des pertes de production, les perfusions ponctuelles ne permettront ni de nourrir la population, ni de bâtir une agriculture résiliente. Les transformations nécessaires doivent impérativement être promues et accompagnées par les pouvoirs publics.

Il est devenu indéniable que l’émergence de nouveaux pathogènes (biorésistance aux pesticides et destruction d’habitats naturels) met en danger notre santé et nos productions alimentaires. Que le climat sera de plus en plus instable. Que l’accès à des énergies fossiles (fournissant engrais, produits phytosanitaires et alimentant les machines agricoles et le modèle industriel agroalimentaire) sera de plus en plus incertain, rendant leur coût très volatile.

Il est donc urgent de lancer un vaste programme de transformation de nos modèles agricoles et de l’industrie agroalimentaire pour un système plus résilient et nourricier. Il sera moins coûteux que l’amoncellement toujours plus grand d’indemnités court-termistes. Nous le rappelons ici encore, le coût de l’inaction sera toujours plus grand que celui de l’action.

Chez Equinoxe, nous proposons donc de mettre en œuvre un vaste plan de sécurité alimentaire à l’échelle européenne. Ce que nous défendrons lors des élections européennes de juin 2024.


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📌 Notes de bas de page :

  1. Avenir Bio est un fonds permettant de “soutenir des projets de développement des filières biologiques françaises”. ↩︎
  2. Entre 2021 et 2022, le marché bio a perdu 600 millions en valeur soit une baisse d’environ 5%. Le secteur est passé d’une croissance de près de deux chiffres par an (avec une offre ayant du mal à suivre la demande) à un recul des ventes et des situations de surproductions. Certaines exploitations allant jusqu’à vendre leur production en conventionnelle afin de pouvoir l’écouler. ↩︎


📚 Sources :

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