En 2019, l’ONU déclare la France coupable de violation des droits de l’homme dans sa gestion du droit au logement. Nicolas Sarkozy en son temps promettait qu’en 2 ans plus personne ne dormirait dans la rue. Plus récemment, c’était au tour d’Emmanuel Macron de faire la même promesse, mais en moins de 6 mois…
Malheureusement les promesses ne suffisent pas. Entre 2012 et 2020, le nombre de personnes sans domicile a doublé (passant de 143 000 à 300 000) selon la fondation Abbé Pierre1 tandis qu’en cette rentrée 2023, près de 2000 enfants vivent dans la rue — c’est 20% de plus que l’an dernier.
“Pour les chiens qui crèvent dehors, il y a une fourrière, est-ce que pour nos frères et nos sœurs il n’y aura rien ? […] Ce n’est pas possible que nous dormions tranquille pendant qu’ils meurent dehors.”
— L’Abbé Pierre
Au-delà de l’absence pure et simple de logement, près d’un million d’habitants n’ont pas de domicile personnel et vivent généralement chez des tiers2, tandis que 100 000 vivent dans une habitation de fortune toute l’année3. Au total, la Fondation Abbé Pierre estime que 4,1 millions de personnes sont mal-logées4 alors qu’il y a en France, 3,2 millions de logements vacants.
Comment ce pays de bien lotis, peut-il produire autant de mal logés ?
Depuis 20 à 30 ans les difficultés d’accès au logement sont fortes. Des millions de familles n’ont pas de logement, ou vivent dans logements inacceptables (suroccupation, passoires thermiques5…). La première réponse à la crise du logement consiste généralement à construire. Mais la France est le premier pays de l’OCDE disposant du plus de logements par habitant et de toute évidence, construire ne suffit pas.
Un examen de conscience s’impose. Avons-nous vraiment construit des logements pour des personnes qui en avaient besoin (jeunes actifs et mobiles, ménages modestes) ou plutôt construit des résidences secondaires ? Avons-nous mis en place des politiques publiques permettant la continuité du parcours résidentiel d’une génération à l’autre ?
Si 75% des français sont satisfaits de leur logement (Enquête SDES, Février 2023), on observe depuis plusieurs années un ralentissement de la mobilité résidentielle6 : des listes d’attente pour logement social qui dépassent les 2 ans, des couples qui retardent leur séparation par manque de logement, des étudiants qui gardent leur logement durant les vacances, et ainsi de suite. Le parcours résidentiel ne suit plus le parcours de vie.
Comment peut-il y avoir autant de m2 par habitant quand on a du mal à se loger ?
En prenant les prix de l’immobilier, l’Insee observe une augmentation moyenne de 154% contre 13% pour les salaires en une vingtaine d’années. On retrouve la même tendance pour les loyers et même si l’APL aide les plus modestes à payer leur logement, elle est loin d’avoir suivi l’augmentation des loyers. In fine, la part du revenu dédié au logement augmente pour les foyers plus modestes tandis qu’elle reste stable pour les autres. Les 10% les plus modestes consacrent ainsi 42 % de leurs revenus au logement, soit quatre fois plus que les 10 % les plus aisés.
Taux d’effort en logement des ménages selon le statut d’occupation,
Données annuelles 2001, 2006, 2013
Une explication à cette situation est due à un certain nombre de choix de politiques publiques, comme des marchés immobiliers peu régulés, la valorisation des prix par l’attractivité, les exonérations sur la plus-value, etc. Ces choix politiques malavisés se conjuguent à la pression exercée par les locations Airbnb (une multiplication de leur nombre par 10 en à peine 10 ans) qui créent en France comme ailleurs, des crises du logement.
Dans le prochain article, nous verrons quels choix politiques ont été pris, l’importance du patrimoine familial dans l’accès au logement et les solutions que nous pouvons mettre en oeuvre face à cette crise.
📌 Notes de bas de page :
- 28e rapport sur l’état du mal-logement en France 2023 : https://www.fondation-abbe-pierre.fr/actualites/28e-rapport-sur-letat-du-mal-logement-en-france-2023 ↩︎
- Il y a trois formes de mal-logement. L’habitat dégradé (2,4 millions de personnes), le manque d’espace (934 000 personnes), et l’absence d’un logement à soi (999 000 personnes) ; https://www.inegalites.fr/Plus-de-quatre-millions-de-mal-loges-de-quoi-parle-t-on ↩︎
- Ibid. ↩︎
- Ibid. ↩︎
- On estime que 24,3% des logements du secteur privé sont des passoires thermiques : https://www.droitaulogement.org/2022/09/renovation-thermique-de-tous-les-logements-sans-hausse-de-loyer-ni-dexpulsions/ ↩︎
- La mobilité résidentielle consiste à changer de régions, d’appartement, à passer de la location à l’achat, etc. ↩︎
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📚 Sources :
- https://www.youtube.com/watch?v=UzYpncXclYo
- https://www.youtube.com/watch?v=_OMlKhcb970
- https://www.nouvelobs.com/societe/20190412.OBS11470/l-onu-avertit-la-france-coupable-de-violations-du-droit-au-logement.html
- https://www.inegalites.fr/Plus-de-quatre-millions-de-mal-loges-de-quoi-parle-t-on
- https://www.fondation-abbe-pierre.fr/actualites/28e-rapport-sur-letat-du-mal-logement-en-france-2023
- https://www.fondation-abbe-pierre.fr/actualites/28e-rapport-sur-letat-du-mal-logement-en-france-2023
- https://www.unicef.fr/article/une-rentree-plus-quincertaine-pour-les-1-990-enfants-sans-solution-dhebergement/
- https://www.tf1info.fr/immobilier/rentree-scolaire-manque-t-il-600-000-logements-etudiants-aujourd-hui-en-france-2268360.html
- https://www.bfmtv.com/immobilier/prix-immobilier/sur-20-ans-l-immobilier-progresse-beaucoup-plus-vite-que-la-bourse_AN-201902280322.html
- https://www.bfmtv.com/economie/economie-social/france/en-20-ans-le-salaire-net-moyen-dans-le-prive-a-bondi-de-13-qui-en-a-plus-profite_AD-202104090149.html