Selon une étude sortie en 2021, un Français passerait en moyenne 56 heures par semaine devant les écrans, et notamment Internet (temps passé au travail compris). Rapporté à une vie, cela représenterait presque 28 ans, soit un tiers de la vie d’une personne et donc un plus que le temps passé à dormir (entre 25 et 27 ans)…
Si la télévision reste le premier média utilisé par les français (3h42 par jour en moyenne), plus de 30 millions de personnes utilisent leur smartphone chaque jour pour accéder à Internet. Le mobile est ainsi devenu le premier appareil pour s’y connecter : il représente 40 % du temps passé sur Internet (allant même jusqu’à 65% chez les 15-24 ans).
Ce n’est en effet pas un hasard si en moyenne, un Français passe par semaine 20 heures devant un écran dans le cadre de son activité professionnelle, et 36 heures pendant son temps libre. Sans surprise, une majeure partie de ce temps est consacré aux films, séries et programmes télévisés (issues du soft power américain en particulier), et aux réseaux sociaux.
Aussi anodin que cela puisse paraître, l’exposition répétée à des contenus en ligne influence notre vision du monde. Chaque film ou série met en image des histoires qui ne sont pas seulement fantastiques, guerrières ou romantiques, mais qui charrient tout un tas de valeurs, de représentations du monde, de stéréotypes, etc. Que ce soit les méchants russes avec RockyIV ou Vietnamiens avec Rambo, le mythe du self-made man avec A la recherche du bonheur ou le mythe fondateur des États-Unis avec les western.
Le téléphone portable et les réseaux : des geôles dématérialisées
L’exposition quotidienne au travers des applications et réseaux sociaux est, elle, plus pernicieuse. En étudiant les biais cognitifs humains, les chercheurs et développeurs d’applications ont dimensionné des outils à même de maximiser le temps que nous passons sur les écrans. A force de visionner des contenus et de rejoindre des communautés qui ne nous sont pas proposées en toute transparence, on finit par pénétrer des bulles informationnelles et sociales.
Nous savons que les algorithmes des moteurs de recherche, des sites de vidéos en ligne ou de stream, sans oublier les fameux réseaux sociaux, ne sont ni neutres, ni transparents dans le traitement de l’information. En effet, l’information est traitée en fonction de critères dissimulant toujours une intention en négatif qu’elle soit politique ou commerciale.
« Le processus de réflexion qui a présidé à la création de ces applications, Facebook étant la première d’entre elles, était entièrement axé sur la question suivante : Comment pouvons-nous consommer le plus possible de votre temps et de votre attention consciente ? »
— Sean Parker, ancien président de Facebook
En jetant un œil au baromètre du numérique 2022,on se rend compte que les plus gros utilisateurs d’écran sont surtout les hommes. Durant leur temps libre, 34 % d’entre eux passent au moins cinq heures par jour devant les écrans, contre 26 % chez les femmes. Si le baromètre indique que le smartphone s’est encore démocratisé avec un taux d’équipement de 87 % (en hausse de trois points par rapport à 2020), ce ne sont pas forcément les jeunes et leur mobile qui sont la cause de chiffres si élevés. « Le temps passé devant les écrans augmente avec l’âge, tiré par les heures passées devant le petit écran des seniors », explique l’étude.
Progrès = technologie = bien-être ?
Depuis plusieurs années nous sommes accoutumés aux discours des promoteurs du nouveau monde numérique. Un monde innovant où l’économie, l’information et la communication sont facilitées à tel point que cela nous conduit à une sorte d’autorégulation de la société (une sorte de deuxième main invisible du marché). Cette innovation ouvrirait la voie pour une vie plus harmonieuse et libre sur terre…
« Puisque le problème n’était pas politique, c’est qu’il était technique. Puisqu’il y avait des solutions, c’est qu’il n’y avait pas de vrai problème. »
— Extrait du livre, L’Atelier Paysan, Reprendre la terre aux machines.
Force est de constater que le développement du numérique a jusqu’ici échoué à remplir ses incroyables promesses. Plutôt que de diminuer les pressions sur les écosystèmes, les ressources et les plus précaires, la numérisation du monde a au contraire renforcé une dynamique mondialisée de flux, engendrant à la fois plus de communication, de déplacements, de besoins en ressources, de pollutions et d’inégalités.
Les scandales s’enchaînent et nous passons d’une désillusion à une autre. Que faire face aux sites illégaux tels Coco, face aux fake news, au revenge porn, au vol journalier des données de millions d’utilisateurs à des fins de profilage, au cyber-harcèlement ou encore à l’évasion fiscale systématique des géants du web ?
Face à tous ces enjeux, on ne peut s’empêcher de penser aux conséquences bien réelles des écrans sur le développement cognitif, physique et moral de nos enfants. C’est la raison pour laquelle nous aborderons ce sujet dans notre prochain article.
En attendant, n’hésitez pas à utiliser les fonctions de votre smartphone pour réduire votre temps d’écran ou bien à choisir des créneaux pour les éloigner de vous le soir et le week-end !
📚 Sources :
- https://nordvpn.com/fr/blog/temps-passe-en-ligne/
- https://www.prevoir.com/nos-actualites/passons-nous-trop-de-temps-sur-les-ecrans
- Julia Laïnae, Nicolas Alep, Contre l’alternumérisme, La Lenteur, 2020, 128 pages
- https://www.phonandroid.com/les-francais-passent-un-tiers-de-leur-temps-eveille-sur-un-ecran.html
- Le baromètre du numérique 2022, réalisé par le Conseil Général de l’Economie (CGE), l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT)