Au moment des présidentielles, Jean-Luc Mélenchon, alors candidat, promettait au candidat communiste Fabien Roussel afin de le ramener dans son giron, un référendum sur la sortie du nucléaire civil. Faute d’accord et de victoire à la présidentielle d’un de ces deux candidats, mais surtout de Mélenchon, il était peu probable que ce référendum ait lieu un jour. La suite, vous la connaissez. Si le sujet est particulièrement à Gauche (et notamment chez les écologistes) clivant, le débat dépasse largement le périmètre de notre cher pays. En effet, bon nombre de nos voisins ont par le passé tranché la question par voie de référendum. Pour autant, serait-il pertinent aujourd’hui d’en faire de même ?
Quelques rappels historiques
En 1978, l’Autriche interdit le nucléaire sur son sol suite au référendum sur le démarrage et la finalisation de la centrale nucléaire de Zwentendorf. Avec une participation de 64%, le Non au nucléaire récolte 50,5% des voix. Les accidents de Three Miles Island 1979, et Tchernobyl 1986 ne feront que renforcer les mesures contre le nucléaire dans ce pays. Aujourd’hui, l’Autriche est dépendante à 28% des importations pour son électricité et n’est toujours pas sortie du gaz fossile.
En 1980, suite à l’incident nucléaire de Three Miles Island aux USA, la Suède organise un référendum. La sortie du nucléaire l’emporte, à ceci près que les trois options du référendum étaient toutes des sorties à plus ou moins long terme du nucléaire. En 2010, la coalition centre-droit annule la sortie du nucléaire et aujourd’hui la Suède produit l’essentiel de son électricité de manière décarbonée avec du nucléaire, de l’hydraulique et d’autres EnR. Un mix diversifié que nous estimons être un gage de sûreté pour l’étape périlleuse qu’est la transition énergétique.
En 1987, l’Italie sort du nucléaire après trois référendums consécutifs à l’accident de Tchernobyl. En 2011, la coalition centre-droit organise un référendum pour revenir au nucléaire mais l’accident de Fukushima la même année, fait définitivement sortir l’Italie de la production nucléaire. Aujourd’hui l’électricité italienne reste très dépendante de notre électricité et du gaz fossile.
En 2011, après Fukushima, c’est la Suisse qui fait un référendum et la sortie l’emporte à 58%. Les suisses décident de sortir progressivement du nucléaire en interdisant la construction de nouvelles centrales dans le pays. Les centrales restent cependant en activité tant qu’un niveau de sécurité “satisfaisant” est assuré. Elle prévoit de remplacer les centrales nucléaires par des EnR, de l’hydraulique et du gaz fossile : un mal nécessaire selon certains mais surtout une mauvaise nouvelle pour le climat.
En résumé, chaque référendum sur le nucléaire se solde par une sortie du nucléaire avant la sortie des énergies fossiles, qui tuent et polluent bien davantage. Le poids des catastrophes dans les représentations, surtout lorsqu’elles sont spectaculaires, ont un rôle déterminant dans les choix de société que nous faisons. C’est tout le problème, ou plutôt, l’enjeu d’un changement de modèle énergétique dans le contexte d’un bouleversement généralisé des sociétés et du reste du vivant. Entendons-nous bien, ce n’est pas uniquement parce que l’Italie, la Suisse ou encore l’Autriche, sont sorties du nucléaire qu’elles dépendent aujourd’hui d’un approvisionnement électrique trop carboné. C’est surtout parce que les décisions en matière de politique énergétique n’étaient pas nourries des constats climatiques qui rappellent la nécessité de sortir rapidement des énergies fossiles.
Faut-il donc faire un référendum sur le nucléaire ?
D’abord rappelons qu’Equinoxe ne désire pas que les choix techniques que nous empruntons s’articulent autour d’un retour massif à l’énergie nucléaire. Comme le démontre l’Agence International de l’Énergie Atomique, le nucléaire atteindra 12% du mix énergétique mondial dans les scénarios les plus optimistes. Ce que nous désirons réellement, c’est que chaque pays permette à ses citoyens de comprendre la nécessité absolue de faire reposer leur transition énergétique sur le triptyque sobriété, mix énergétique diversifié et réduction des inégalités.
Étant donné les trajectoires peu pertinentes empruntées par les pays précédemment cités, il nous semble qu’une convention citoyenne sur l’énergie inspirée de celle sur le climat soit plus opportune. Cette méthode a démontré son efficacité puisqu’elle a permis à un groupe de citoyens tirés au sort et éclairés par des experts de proposer un plan d’action ambitieux et parfaitement en accord avec la déclinaison des accords de Paris pour la France.
Cette convention citoyenne sur l’énergie inclurait les réflexions autour du nucléaire et de sa place dans un mix énergétique qui s’électrifie. Néanmoins, quelques principes devraient être posés tels que la sobriété, la fin des énergies fossiles, une pluralité des points de vue et un accès facilité aux échanges. En effet, nous croyons à la force de l’intelligence collective et sommes attachés aux conclusions scientifiques qui nous permettent de disqualifier les hypothèses et propositions qui ne respectent pas les limites planétaires.
C’est pourquoi nous proposons dans notre programme, la création d’un parlement des choix techniques ainsi qu’une extension de la pratique du tirage au sort pour que les citoyens se trouvent enfin acteurs des décisions politiques qui les concernent.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur notre programme ou dans l’un de nos groupes locaux !