Aujourd’hui, nous allons décortiquer une argumentation très répandue (et surtout fallacieuse) utilisée trop souvent pour justifier l’inaction face à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Contrairement à ce qu’a par exemple répété Éric Zemmour ainsi que d’autres personnalités politiques, la France ne représente pas que 1% ou 0,8% des émissions mondiales annuelles de dioxyde de carbone (CO2).
Tout d’abord, il existe plusieurs GES émis par les activités humaines. Afin de les comparer, une unité a été créée : le CO2 équivalent (CO2eq) qui donne le pouvoir de réchauffement d’un GES sur 100 ans (c’est la durée qui a été retenue) ramené à la quantité de CO2 qu’il faudrait pour obtenir le même effet. Si c’est le CO2 qui est retenu à titre de comparaison, la raison est simple : c’est le principal GES émis par nos sociétés. Il est suivi par le méthane et le protoxyde d’azote dont le potentiel de réchauffement ou “PRG” sont respectivement de 28 et 273.
Source : L’Igloo, “Enfin comprendre les gaz à effet de serre, et le rôle qu’ils jouent”
Au-delà de l’imprécision qui consiste à mélanger le CO2 et le CO2eq, il faut rester vigilant lorsque l’on estime l’étendue des émissions d’un pays. En effet, ce sont les émissions annuelles engendrées les activités humaines sur le territoire français, qui ne représentent “que 1% des émissions mondiales de CO2” (0,9% pour être précis).
👉 Sauf que la grande majorité des pays dans le monde émettent chacun moins de 1% des émissions annuelles de CO2. Avec ce type d’arguments trompeurs, qui nient ou oublient les ordres de grandeur, aucune politique de réduction des GES ne pourrait décemment être menée à l’échelle nationale et internationale.
👉 Par ailleurs, les émissions territoriales (celles émises directement sur le territoire) ne représentent qu’une partie des émissions imputables à un pays. En effet, il faut y ajouter le solde des émissions exportées et importées, qui constitue “l’empreinte carbone” d’un pays. Pour se faire, il faut ajouter le bilan carbone des biens consommés sur le territoire national mais produits à l’étranger, et retrancher la partie des émissions territoriales qui servent à produire des produits exportés. Ce calcul est plus représentatif des émissions pouvant être imputées à un pays. Ainsi, l’empreinte carbone de la France représente 1,5% de l’empreinte mondiale.
Faire un état des lieux avec une partie des informations importantes seulement (le biais de confirmation dit du “picorage” ou “cherry picking”), est trompeur et conduit inexorablement à élaborer des politiques inefficaces, voire contreproductives.
Prenons un exemple pour illustrer : une partie de la réduction des émissions territoriales françaises des dernières années est due à la désindustrialisation du pays. Les émissions de ces industries délocalisées ont été transférées à l’étranger alors que la consommation des biens qu’elles produisent ne l’a pas été. Une politique volontariste de réduction des GES, qui ne prendrait en compte que les émissions territoriales, pourrait accélérer la désindustrialisation du pays avec tous les effets pervers qu’on lui connaît. La casse sociale, la perte de souveraineté et d’autonomie industrielle s’ajouteraient à une stagnation, voire même une augmentation des émissions mondiales… Malheureusement, ce scénario est plus proche de la réalité que du fantasme.
L’empreinte carbone peut aussi être appliquée à une personne. Cela permet de comparer de façon plus objective la dynamique des émissions entre chaque pays. Même si l’empreinte carbone moyenne par habitant d’autres pays est plus élevée que la nôtre, cela ne doit en aucun cas nous empêcher de tendre vers plus de sobriété. Nous voyons donc que du point de vue de l’empreinte carbone par personne, la France est parmi les pays les plus émetteurs (entre 9 et 11 tonnes). Comme nous l’évoquions précédemment, nombreux sont les pays ayant une empreinte carbone très faible : l’Érythrée, le Timor oriental, le Burundi, Haïti, la République démocratique du Congo…
Tableau tiré de « La Big Conf » de l’association Avenir Climatique
Précédemment, nous avons vu que le France représentait 1,5% des émissions de GES mondiales. Néanmoins, elle ne représente qu’environ 0,8% de la population mondiale. Dans le budget carbone mondial, la part des émissions françaises annuelle est donc proche du double de la part de sa population sur la planète. À l’inverse, la Chine a une empreinte carbone plus élevée que la France, sauf qu’elle est environ 20 fois plus peuplée. Son empreinte carbone par habitant est d’environ 7,6 tonnes par personne ce qui bien inférieur à celle de la France.
Enfin, un dernier angle est à examiner pour avoir une vision complète des émissions de GES imputées à la France : c’est la responsabilité historique. Les émissions qui contribuent au réchauffement climatique sont, non seulement celles que nous émettons aujourd’hui, mais aussi celles que nous avons émises par le passé… Or la France est l’un des premiers pays à s’être industrialisé et donc à avoir considérablement augmenté les émissions de GES dans le monde. En prenant l’historique de ses émissions, la France est responsable d’environ 2,34% des émissions de GES cumulées, ce qui représente la 8ème place au niveau mondiale.
Conclusion
Comme nous venons de le rappeler, la France a une plus grande part de responsabilité dans les émissions mondiales de GES que ne le laissent entendre certaines déclarations. Bien entendu, une fois que nous avons dit ça, nous n’avons rien fait.
Pour réellement transformer la société, n’attendons pas des autres qu’ils agissent, car le plus grand malheur que nous pouvons faire en ce monde, c’est de penser que c’est aux autres de le changer. Équinoxe n’entend pas attendre passivement un sursaut collectif pour construire le monde d’après.
Ensemble, redonnons du sens à l’engagement politique, démontrons avec toutes celles et ceux qui ont la force et le courage d’agir qu’il faut aller au-delà des jolies phrases, des valeurs et des idées. C’est la mise en place d’un mode d’organisation à même de nous faire vivre dans un monde en péril que nous devons élaborer.
Pour participer à ce projet ambitieux, nous avons besoin de vous. Alors n’attendez plus et venez voir ce qu’il se trame dans nos groupes locaux !
📚 Sources :
- Infographie de l’Igloo : https://liglou.fr/
- Le Monde, « Qui réchauffe le climat » : https://www.youtube.com/watch?v=GVJRZqI6h2k
- Bon Pote, « La France ne représente pas 1% des émissions de CO2 » : https://bonpote.com/analyse-la-france-ne-represente-que-1-des-emissions-de-co2/
- France Info, « Vrai ou fake, la France représente 1% des émissions de CO2 » : https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/vrai-ou-fake-la-france-represente-1-des-emissions-de-co2-on-vous-explique-les-limites-de-l-argument-d-eric-zemmour-sur-le-dereglement-climatique_4952091.html