L’inclusion du gaz et du nucléaire dans la Taxonomie Européenne

Centrale nucléaire de Chooz (Ardennes)


Le mercredi 6 juillet 2022, les députés européens ont voté en majorité l’inclusion du nucléaire et du gaz dans la taxonomie européenne.

La taxonomie européenne est un mécanisme mis en place par l’Union européenne pour définir les activités qui “contribuent à la défense de l’environnement” en général et à la lutte contre le changement climatique en particulier. Ce cadre doit faciliter l’investissement “durable”, en fournissant aux entreprises et investisseurs des définitions appropriées sur les activités économiques qui correspondent à ces objectifs.

Selon de nombreux rapports et à la lueur des trajectoires décidées par de nombreux États pour 2050, la production d’électricité à base de nucléaire et de gaz a un rôle à jouer pour faciliter le passage massif aux énergies renouvelables en vue d’atteindre la neutralité climatique.

Le nucléaire apparaît depuis longtemps — pour les pays qui peuvent le développer — comme un atout dans la production d’énergie bas-carbone avec 12 g de CO2 équivalent par kWh (12 gCO2e/kWh) dans le monde et entre 4 g et 6 gCO2e/kWh en France. C’est notamment ce qui ressort des synthèses du GIEC, des travaux de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), du Réseau de Transports d’Électricité en France (RTE) et divers autres ONG comme The Shift Project ou encore France Éolienne.

Concernant l’intégration d’électricité à partir de gaz dans la taxonomie, on pourrait arguer que si le gaz émet moins de CO2 que le charbon ou le fioul, il reste une énergie fossile fortement émettrice et que nous n’avions pas nécessairement besoin de l’intégrer à la taxonomie pour que son développement futur soit assuré. Néanmoins, les centrales à gaz qui seront concernées par le mécanisme de soutien devront respecter plusieurs conditions1 et émettre :

  • soit moins de 100 gCO2e/kWh contre 400 à 600 g aujourd’hui. Cela représenterait une réduction de 90% des émissions comparée à une centrale au charbon (1050 -1300 gCO2e/kWh),
  • soit avant 2030, 270 gCO2e/kWh, ce qui reviendrait pour une centrale à gaz classique à fonctionner seulement 60 jours par an pendant 20 ans afin de respecter cette intensité carbone par kWh.

Dans le cas où une centrale de ce type viendrait remplacer une centrale au charbon ou au fioul, ce serait un gain significatif dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. On peut cependant douter qu’il y ait beaucoup de centrales à gaz répondant à ces conditions à moyen terme.

Dans cette mesure, l’inclusion du gaz fossile dans la taxonomie européenne n’est pas une porte ouverte au gaz, qui reste pour de nombreux pays de l’UE la source d’énergie qui palliera aux périodes de creux des énergies renouvelables. Comme l’a récemment dit le vulgarisateur scientifique Le Réveilleur : “le jour où il n’y aura plus que du gaz qui fonctionne l’équivalent de deux mois par an, ce sera déjà un énorme progrès.”

N’oublions pas que le charbon est la troisième source de production d’électricité en Europe (13,2%), derrière le nucléaire (24,8%) et le gaz (19,7%), mais demeure la première source d’émissions de CO2 et de polluants atmosphériques. En effet, pour une production électrique deux fois moins importante que le nucléaire en Europe, il produit 45 fois plus de CO22.

Le charbon — premier producteur d’électricité dans le monde — est en partie responsable (ne perdons pas de vue le secteur des transports et des bâtiments) du nombre de morts prématurées à cause de la pollution de l’air en France et dans le monde (respectivement 67 000 et 8.79 millions de morts par an) et du coût économique pharaonique dépensé chaque année par les grandes métropoles pour y répondre.

Entre l’acceptabilité sociale des énergies renouvelables ou de l’énergie nucléaire, et les conséquences climatiques, sanitaires et géopolitiques de la consommation d’énergies fossiles (charbon, gaz et pétrole), on se rappelle une fois de plus que l’énergie propre ou sans contraintes n’existe pas.

Face à l’augmentation pronostiquée du prix de l’énergie et des matières premières dans un contexte de dépendances internationales, qu’attendons-nous pour dépasser les constats et mettre en œuvre les solutions ?

Notes de bas de page :

  1. Les centrales à gaz ne pourront être concernée par la taxonomie verte que s’il n’y a pas d’alternatives renouvelables plus rentables, uniquement si le gaz vient remplacer une centrale plus polluante, seulement si la centrale à gaz est convertible à des combustibles non fossiles, et enfin que le pays où la centrale est construite s’est engagé à sortir du charbon. ↩︎
  2. Le mix électrique de l’Union européenne en 2020 : https://www.connaissancedesenergies.org/le-mix-electrique-de-lunion-europeenne-en-2020-220218 ↩︎

Sources :

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