L’A69 : un projet anachronique

Remis en cause par de nombreux citoyens, associations et scientifiques, le projet de l’A69 nous confirme une fois encore, que ce mandat ne sera pas celui de l’écologie. Alors que notre Président (qui adore la bagnole) dénonçait en 2019 ceux qui prétendent agir pour le climat tout en finançant des infrastructures qui augmentent les émissions de CO2, personne ne sera surpris de la position du gouvernement sur ce projet.


L’occasion pour nous de rappeler les enjeux de ce secteur, puisque l’A.69 est loin d’être l’unique projet du genre en France, car il existe encore :

👉 Une dizaine de projets d’autoroutes ;

👉 Plus de 50 projets routiers contestés si on ajoute les autres voies rapides ou contournements routiers ;

👉 Une dizaine de projets d’extensions d’aéroports.

Ces projets autoroutiers, comme on peut le voir sur la Carte des luttes locales, rencontrent généralement de fortes contestations et parfois même de la part des Métropoles, comme c’est le cas de celle de Rouen, qui a retiré sa participation financière au projet de contournement.

 

Avancer, mais pour aller où ?

“Il faut avancer”, nous disent-ils. Mais à quoi bon avancer si c’est pour contredire ses propres engagements ? Le double-discours sur l’importance des enjeux climatiques d’une part, et des actions qui constituent l’exact inverse de ce qu’il faudrait faire, est épuisant.

Revoyons rapidement les principaux arguments (fallacieux bien-sûr) qui sont avancés par les défenseurs de ces projets :

  • Argument 1 : l’autoroute est vitale pour que le bassin de vie concerné au Sud du Tarn retrouve son attractivité.

Toutefois, le rapport d’enquête publique sur l’A69 ainsi que l’Institut national universitaire Champollion dénoncent respectivement qu’il n’y a aucune démonstration concrète d’un impact économique positif. La création de cette autoroute devrait générer des développements, mais encore une fois à l’extérieur des centres-villes.

  • Argument 2 : les ajustements suffisent et vont dans le sens de nos objectifs : Création d’un pôle multimodal, futures voies de covoiturage ou de transports en commun, évocation de pistes cyclables…

La fonction même de l’autoroute est de fluidifier, donc d’accélérer et donc de faciliter l’usage des modes parmi les plus carbonés, en particulier les voitures à la base de la grande majorité des émissions des transports.

  • Argument 3 : pour régler les embouteillages, il faut plus de routes :

Cet argument repose sur un trafic constant et même s’il était vrai, il ne suffit en aucun cas à justifier le projet. Notons qu’avec une route plus rapide, les longues distances sont parcourues plus facilement. Le trafic se restructure et finit souvent par augmenter, ce qui fait mécaniquement augmenter les émissions.

  • Argument 4 : le trafic restant stable, il n’y a pas d’effet à la hausse sur les émissions

Même en prenant l’hypothèse d’un trafic constant, on observera une hausse des émissions, puisque les voitures rouleront plus vite sur cet axe augmentant ainsi leur consommation. Depuis 1900, l’augmentation de la vitesse (avec des voitures plus performantes et la construction d’autoroutes) a entraîné les kilomètres parcourus et les émissions à la hausse (voir le principe de l’effet rebond). Depuis 1800, les distances parcourues par personne ont ainsi été multipliées par plus de 10 !

Estimation des kilomètres parcourus par jour, par mode de transport, de 1800 à 2017 (source thèse, p184)

Estimation des kilomètres parcourus par jour, par mode de transport,
de 1800 à 2017 (source
thèse, p184)

  • Argument 5 : les véhicules seront bientôt décarbonés (argument utilisé à deux reprises par Jean Castex)

Les voitures électriques ne représentent que 1,1 % de l’ensemble du parc de voitures à fin novembre 2021. Le renouvellement du parc est un processus lent. Aujourd’hui il se vend encore 9 fois plus de voitures thermiques que de voitures 100 % électriques. Ces dernières sont souvent trop lourdes (43 % de SUV) et concurrencées par des véhicules hybrides (encore plus lourds).

Evolution de la part des voitures électriques dans les ventes et dans le parc total de voitures, entre 2010 et novembre 2021 (sources : à partir des données du CCFA et URF) - autoroutes

Évolution de la part des voitures électriques dans les ventes et dans le parc total de voitures,

entre 2010 et novembre 2021 (sources : à partir des données du CCFA et URF)

Les projets autoroutiers, autant que les modèles de voitures vendus aujourd’hui, sont selon les spécialistes, tout l’inverse de ce qui devrait être fait : réduction du poids des véhicules et des vitesses, baisse des distances, report sur le train et les cars pour la longue distance, etc.

On peut alors se désoler que la sobriété soit la grande oubliée des politiques publiques, et que nos décideurs soient par ailleurs incapables de respecter les engagements qu’ils ont pris au travers de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC).

Sur les 5 leviers identifiés par la SNBC, 3 sont justement remis en cause par les projets autoroutiers : 

👉 La demande de transport : l’augmentation des vitesses, les nouveaux déplacements ou encore les changements d’itinéraires liés à ces nouvelles infrastructures amènent à faire davantage de kilomètres, ce qu’on appelle l’induction de trafic ;

👉 Le report modal : les modes de transport parmi les plus émetteurs sont encouragés, à savoir la voiture et les poids lourds ;

👉 La consommation des véhicules : les vitesses élevées entraînent des consommations d’énergie par km plus élevées que sur les routes actuellement utilisées.


Que faire, pour être sérieux ?

👉 Un moratoire sur ces projets (routiers et aéroportuaires) si l’on prenait nos objectifs climatiques au sérieux, tout en proposant des alternatives qui tiennent la route : 

👉 Un passage au plus vite à 110 km/h, tant les bienfaits de cette mesure abondent pour un gain de temps très relatif selon les trajets. 

👉 Investir l’argent public dans des projets plus utiles. Sur les 55 projets routiers contestés, on estime le coût à 18 Md€ dont 12 Md€ de fonds publics. L’investissement dans le ferroviaire, les infrastructures cyclables, le réaménagement de l’espace public, etc… permettrait réellement de répondre aux divers enjeux de la transition.

👉 Revoir les objectifs des débats publics qui entretiennent un grand malentendu : contrairement à ce qui est pensé, la vocation de ces débats publics n’est en aucun cas de produire un avis pour ou contre le projet, mais uniquement d’éclairer la décision en collectant les opinions des acteurs. Autrement dit, la décision échappe aux citoyens par définition.

Les violences que l’on a pu observer, de la part des policiers comme des manifestants, commencent à s’exprimer à partir du moment où les institutions sont incapables de jouer leur rôle de canalisateur du débat politique. A fortiori quand ces mêmes représentants mentent, trahissent leur parole et leurs engagements.


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