Agriculteurs en colère : Nos propositions

Des agriculteurs en colère interpellent sur la perte de souveraineté alimentaire que le modèle agricole actuel engendre

Plus de 200 agriculteurs et une centaines de tracteurs étaient devant la DDT, à Strasbourg
© Radio France – Paola guzzo


La semaine dernière nous rappelions les véritables raisons du désarroi des agriculteurs et la nécessité de transformer le modèle agricole en profondeur. Dans cet article, nous détaillons les propositions qui permettraient de sortir de cette crise qui ne peut plus durer.

Une nouvelle boussole 

C’est avant tout d’une nouvelle boussole dont a besoin notre modèle agricole. Pour Équinoxe, il s’agit de construire un système alimentaire résilient capable de nourrir la population, quoi qu’il arrive : sécheresse, catastrophe naturelle, espèces envahissantes, conflits géopolitiques…. Cette résilience est à construire avec les agriculteurs, leur savoir-faire et leur connaissance du terrain.

Nos propositions

L’échelle européenne est la plus adaptée pour mettre en œuvre ce changement de modèle agricole. Dans cette optique voici les propositions que nous portons pour les élections européennes :

  • Protéger les agricultures européennes en luttant contre la concurrence des importations et revoir les traités de libre échange qui sacrifient notre agriculture :
  • La mise en place de clauses miroir permet de conditionner l’accès au marché européen à des produits qui ont les mêmes exigences que les Etats membres (rémunération et protection des travailleurs, niveaux de spécialisation, normes environnementales, sanitaires et éthiques). 
  • Conditionner l’accès au marché européen peut avantager certains pays disposant par exemple de conditions environnementales facilitant le respect des exigences européennes. L’augmentation des droits de douane sur les produits importés vers l’Europe permet de ne pas créer une distorsion de concurrence déraisonnée entre pays exportateurs. Cela revient à instaurer des prix minimums d’importation calés sur les coûts de production des États membres.

Il est également nécessaire de renégocier ou supprimer les accords de libre échange (MERCOSUR, TAFTA, CETA…) qui mettent en concurrence les produits européens avec des produits étrangers.

  • Relocaliser les productions stratégiques pour atteindre la souveraineté alimentaire européenne et diversifier nos territoires pour diminuer la dépendance de l’agriculture aux énergies et aux ressources naturelles : 
  • La production agricole européenne est aujourd’hui déficitaire en protéines végétales, huile, fruits et légumes. Relocaliser ces filières dans les pays membres permettrait à l’UE de gagner en autonomie et de renforcer sa souveraineté. La mise en place d’aides de soutien permet de développer les filières et la culture de ces productions stratégiques.
  • Certaines régions européennes sont spécialisées dans certaines productions agricoles (élevage en Bretagne, viticulture dans le Languedoc…). Bien que cette spécialisation dégage de gros volumes à bas prix, elle limite la sécurité alimentaire des territoires : forte consommation d’intrants, faible diversité alimentaire, dépendance aux importations. La PAC est à réorienter pour dé-spécialiser (diversifier) la production alimentaire de ces territoires. Par exemple soutenir le développement de légumineuses dans les régions spécialisées en céréales.
  • Réformer la Politique Agricole Commune pour soutenir davantage les pratiques agroécologiques. L’agroécologie est une manière de produire favorisant les processus naturels et la biodiversité dans les écosystèmes agricoles. Un écosystème en bonne santé est plus adapté au dérèglement climatique, protège la biodiversité, stocke du carbone et de l’eau.

    ⇒ Concrètement il s’agit dans les exploitations de diminuer le travail du sol (labour), d’entretenir sa fertilité, de développer des infrastructures agroécologiques (haies, mares, etc.) et de diversifier les cultures (notamment pour intégrer les légumineuses dans les rotations culturales). L’agroécologie demande généralement plus de travail.
  • Les risques inhérents à la transition agroécologique ne doivent pas être pris en charge par les agriculteurs, mais par l’Etat et l’UE. Adopter des pratiques agroécologiques demande souvent plus de main d’œuvre et un temps de transition de l’exploitation (entre 3 et 7 ans) qui est une prise de risque économique et technique.
  • Soutenir financièrement la transition vers des pratiques agroécologiques permet leur adoption sur le long terme tout en limitant le risque économique pour les exploitations. 
  • Un réseau d’échange européen de fermes de démonstration des pratiques agroécologiques couplé à des programmes d’accompagnement indépendants et localisés permettraient une transition pérenne. 
  • Certains investissements (bâtiment, outils…) incompatibles avec l’agroécologie pourront être rachetés par l’Union Européenne. Le dédommagement de ces actifs échus facilitera la transition de toutes les exploitations agricoles.
  • Équilibrer les aides entre petites et grandes exploitations permet de conserver un modèle agricole à taille humaine et de favoriser l’installation de nouveaux agriculteurs.
  • Valoriser les techniques et innovations permettant l’émergence d’une agriculture adaptée au changement climatique et qui rémunère correctement les agriculteurs. De nombreuses technologies et initiatives se développent en agriculture : méthanisation, agri-voltaïsme, low-tech, stockage de l’eau… Une évaluation rigoureuse de ces techniques permet de développer celles qui participent à renforcer la résilience des systèmes agricoles et la souveraineté européenne. Cette évaluation est à gérer par un organisme indépendant. Il pourra financer les expérimentations (le plus possible en conditions réelles) et déposer des moratoires auprès de la commission européenne sur l’usage des technologies.
  • Garantir des prix plancher aux agriculteurs pour leur assurer un revenu décent et augmenter l’attractivité de la profession. Garantir des prix de vente minimum au deçà desquels il n’est pas possible d’acheter un produit agricole permet de sécuriser le revenu des agriculteurs et de rétablir un rapport de force avec l’aval de la filière (industrielles et distributeurs). Ces prix plancher seraient évalués régulièrement par des experts indépendants.

Ces directions européennes sont à coupler avec des mesures nationales : 

  • Faciliter la reprise des exploitations agricoles et l’installation agricole. La mise en place d’exonérations fiscales sur la transmission des fermes permet de faciliter la transmission. La création d’offices fonciers permettrait de soulager les agriculteurs de la charge du capital agricole : l’office pourrait racheter une partie du capital des fermes sans entraver l’activité de l’agriculteur. Au-delà, l’installation agricole étant un parcours semé d’embûches (accès au foncier, capacité d’emprunt, niveau technique, charge de travail importante…), la mise en place d’un accompagnement renforcé des futurs agriculteurs, tant sur le plan technique, économique et humain permettrait de sécuriser leur installation.
  • Réformer la recherche et les organismes de développement agricole pour accompagner les fermes vers l’agroécologie et l’adaptation au changement climatique. La transition vers l’agroécologie demande une technicité fine et des connaissances pas toujours apprises dans l’enseignement agricole. La mission principale des organismes de recherche et de développement agricole (chambres d’agriculture, etc.) sera de sécuriser la transition pour les agriculteurs.

Redonner du poids aux producteurs dans la négociation des prix et aménager le territoire pour mieux gérer nos ressources en eau est indispensable. L’accès de tous à une nourriture de qualité ou encore un vaste chantier de simplification administrative l’est tout autant pour construire un système alimentaire résilient.

Équinoxe prend les enjeux agricoles au sérieux. Pour porter ces propositions aux élections européennes de 2024 et sauver nos agriculteurs, soutenez-nous !

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