Européennes 2024 : Réformer la Politique Agricole Commune

Constats

L’Union européenne importe l’équivalent de 20 % de sa surface agricole chaque année pour se nourrir. Nous exportons dans le monde, mais nous importons aussi beaucoup de nourriture. Ces importations concurrencent les produits européens.
Pour fonctionner, l’agriculture dépend des importations étrangères, notamment de pétrole et d’engrais.
La concurrence européenne et mondiale amène les exploitations à se spécialiser, s’agrandir et à prendre des décisions court-termistes plutôt que d’adopter des pratiques agroécologiques.
L’intensification de l’agriculture détériore la santé des écosystèmes qui sont de moins en moins vivants et productifs (érosion, perte de fertilité, pollution…) et dérégule le climat en utilisant d’importantes quantités d’engrais de synthèse et de pétrole.
Malgré une très forte disparité au sein de la profession, les agriculteurs travaillent beaucoup (55h en moyenne) pour un faible revenu (la moitié gagne moins de 1300€ nets mensuel).
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Depuis la transformation de l’agriculture au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’Europe n’a plus connu d’insécurité alimentaire sur son territoire. L’intensification du modèle agricole européen a permis d’augmenter la production alimentaire, de ne plus connaître d’insécurité alimentaire sur le territoire et d’équilibrer la balance commerciale agricole. 
Cette intensification a également des conséquences néfastes, d’un point de vue social et environnemental. Le modèle agricole dominant se trouve fragilisé par de multiples facteurs (dépendance aux énergies fossiles et aux intrants, dérèglement climatique, érosion des sols, précarité des agriculteurs…). Alors qu’elle semblait garantie jusque récemment, la sécurité alimentaire européenne se trouve aujourd’hui menacée.
De plus, l’Europe n’est pas autosuffisante, elle importe l’équivalent de 20 % de sa surface agricole tous les ans pour s’approvisionner en protéines végétales, huile, fruits et légumes. 
Le modèle agricole européen est très dépendant des énergies fossiles et des ressources naturelles. Leur raréfaction, les tensions géopolitiques et l’instabilité financière des marchés rendent instable leur approvisionnement futur, ce qui fait peser une menace sur les rendements agricoles futurs.
Les exploitations agricoles européennes souffrent de la concurrence entre elles au sein du marché intérieur, ainsi qu’avec les importations étrangères. Cette concurrence amène les exploitations à se spécialiser, s’agrandir et à prendre des décisions court-termistes plutôt que d’adopter des pratiques agroécologiques.
Malgré une très forte disparité au sein de la profession, les agriculteurs travaillent beaucoup pour un faible revenu. S’ajoute à ces conditions de travail difficiles un endettement important et nécessaire à l’activité agricole (foncier, bâtiment, intrants…). Cette surcapitalisation rend difficile pour l’agriculteur de trouver un repreneur et ne participe pas à rendre la profession attractive. Pour toutes ces raisons, le nombre d’agriculteurs ne cesse de diminuer.
L’agriculture européenne peut être jusqu’à 100 fois plus productive (par actif) que l’agriculture vivrière des pays en développement. L’exportation de nos produits agricoles met en concurrence deux agricultures très différentes au préjudice des paysans des pays en développement qui peuvent difficilement vivre de la vente de leur travail.
Autonomie stratégique. Notre agriculture devrait assurer l’autonomie alimentaire au niveau européen et peu dépendre des importations étrangères
Solution climatique et environnementale. Les écosystèmes agricoles devraient être fertiles, en bonne santé et préserver la biodiversité. Ils devraient stocker du carbone et être adaptés au changement climatique.
Accessible et territoriale. L’alimentation devrait être accessible pour la population en qualité et quantité suffisante,  et être  produite le plus possible à l’aide des ressources locales.
Rémunératrice et attractive. L’emploi agricole devrait rémunérer, ce qui permettrait d’avoir des territoires dynamiques qui ne se dépeuplent pas.

Propositions

Protectionnisme
Protéger les agricultures européennes en luttant contre la concurrence des importations :
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Les produits importés sur le marché européen peuvent créer d’importantes distorsions de concurrence pour l’agriculture des États membres. Les conditions de production des pays qui exportent vers l’Europe (rémunération et protection des travailleurs, niveaux de spécialisation, normes environnementales, sanitaires et éthiques) peuvent être plus avantageuses que les conditions européennes et amènent à produire des biens à moindre coût. Pour faire face à cette concurrence, les exploitations tendent à s’agrandir et à se spécialiser. Une prise de risque économique et technique, comme l’adoption de pratiques agroécologiques, est alors difficilement envisageable. Les mesures de protectionnisme que nous souhaitons porter auront pour effet d’améliorer les conditions de vie des agriculteurs et d’augmenter l’attractivité du métier, notamment les jeunes et les non issus du monde agricole.
Conditionner l’accès au marché européen à des critères sociaux, environnementaux et éthiques.
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Nous souhaitons que l’entrée de produits sur le marché européen soit conditionnée (clauses miroirs) aux exigences sociales, environnementales et éthiques européennes. Les règles suivies par les exploitations agricoles étrangères doivent être similaires à celles des exploitations européennes. 
Augmenter les droits de douane pour les denrées agricoles.
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Nous souhaitons conditionner l’accès au marché européen pour avantager certains pays disposant par exemple de conditions environnementales leur facilitant le respect des exigences européennes. L’augmentation de droits de douane permet d’aller plus loin dans la protection du marché européen sans créer hors de l’Europe une distorsion de concurrence déraisonnée entre pays exportateurs. Cela revient à instaurer des prix minimums d’importation calés sur les coûts de production des États membres.
Revoir les traités de libre-échange qui sacrifient l’agriculture européenne.
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Les accords de libre-échange peuvent favoriser l’importation de produits à bas coût ne respectant pas les règles européennes. Ils mettent en concurrence directe des modèles de production différents qui mettent hors jeu les exploitations agricoles européennes non concurrentielles. Cette logique favorise la spécialisation et l’agrandissement des fermes et n’incite pas à améliorer les conditions sociales des travailleurs, les normes environnementales, éthiques et sanitaires. Revoir le contenu de ses accords (TAFTA, CETA…) est donc un préalable pour protéger le marché agricole européen. Ceux mettant en concurrence les productions d’aliments de base et les productions européennes aujourd’hui déficitaires mais d’importance pour la souveraineté doivent être renégociés ou supprimés.
Relocalisation
Relocaliser certaines filières en améliorant les aides de soutien aux productions stratégiques (en particulier les fruits, les légumes et les protéines végétales dans le cas de la France).
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Malgré une balance commerciale positive (grâce à l’exportation de produits à haute valeur ajoutée : vin, spiritueux, produits infantiles, aliments transformés), l’Europe importe l’équivalent de 35 millions d’hectares par an, soit environ 20% de sa surface. La production agricole européenne est aujourd’hui déficitaire en protéines végétales, huile, fruits et légumes. Ces importations sont issues de longues filières internationales dépendantes des transports (donc des énergies fossiles) et du contexte géopolitique mondial. 
Nous souhaitons relocaliser ces filières dans les pays membres pour permettre  à l’Europe de gagner en autonomie et de renforcer sa souveraineté. Les aides de soutien permettraient de développer les productions stratégiques dans cet objectif de résilience et de souveraineté agricole.
D’un autre côté, certaines régions européennes sont spécialisées dans certaines productions agricoles. Bien que cette spécialisation dégage de gros volumes à bas prix, elle limite la sécurité alimentaire des territoires : forte consommation d’intrants, faible diversité alimentaire, dépendance aux importations et exportations. De manière générale, garantir des productions à haut rendement demande une consommation importante en carburant et en intrants. Cette consommation entretient une dépendance risquée aux importations étrangères dans un contexte d’instabilité géopolitique et de diminution de la disponibilité en énergie et en ressources naturelles. Nous souhaitons dé-spécialiser ces régions en soutenant la diversification des productions permettant alors de gagner en souveraineté.
Agroécologie
Réformer la Politique agricole commune pour soutenir davantage les pratiques agroécologiques qui demandent un temps de transition et souvent plus de travail pour les agriculteurs.
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L’agroécologie est une manière de produire favorisant les processus naturels et la biodiversité dans les écosystèmes agricoles afin qu’ils soient en bonne santé. Les pratiques agroécologiques reposent en partie sur la diminution du travail du sol, l’entretien de la fertilité du sol, le développement des infrastructures agroécologiques et la diversification des rotations (notamment pour intégrer la culture de légumineuses). Un écosystème en bonne santé est plus adapté au dérèglement climatique, protège la biodiversité, stocke du carbone et de l’eau. A terme, un système agroécologique diminue (voire supprime certains produits) sa consommation de carburant (diminution du travail du sol), d’engrais (fertilité du sol améliorée), de produits phytosanitaires et d’antibiotiques (plantes et animaux en meilleure santé).
Adopter des pratiques agroécologiques demande souvent plus de main d’œuvre et un temps de transition (entre 3 et 7 ans) qui est une prise de risque économique et technique pour l’exploitation agricole. Nous souhaitons soutenir la transition vers des pratiques agroécologiques permettant leur adoption sur le long terme tout en limitant le risque économique pour les exploitations. 
Nous soutenons le développement de réseaux d’échange européen de fermes de démonstration des pratiques agroécologiques couplé à des programmes d’accompagnement indépendants et localisés qui permettraient une transition pérenne. Certains investissements (bâtiment, outils…) incompatibles avec l’agroécologie pourront être rachetés par l’Union Européenne. Le dédommagement de ces actifs échus facilitera la transition de toutes les exploitations agricoles.
Une production rentable et efficiente en intrant empêche la précarité économique des exploitations et diminue la dépendance de l’Europe aux importations étrangères d’intrants. Cependant, la course actuelle aux hauts rendements ne garantit pas une production agricole rentable et peut être synonyme de forte consommation d’intrants. En plus de la diversification (mesure 2), la PAC doit permettre de diminuer la consommation d’intrants des productions les plus consommatrices. La rentabilité (marge brute/ha) et l’efficience des productions dans leur consommation d’intrant (rendement/quantité d’intrant utilisée) sont donc des indicateurs à suivre en parallèle du rendement.
Nous souhaitions modifier l’allocation des aides aux exploitations agricoles ce qui permettra de diminuer les inégalités. En effet, les grandes exploitations touchent plus d’aides que les petites. Ce soutien à l’agrandissement favorise la surcapitalisation des exploitations et rend très difficile l’installation de nouveaux agriculteurs. Équilibrer les aides entre petites et grandes exploitations est donc indispensable pour conserver un modèle agricole à taille humaine.
Technologie
 Valoriser les technologies et innovations permettant l’émergence de systèmes agricoles résilients.
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De nombreuses technologies et initiatives se développent en agriculture : méthanisation, agri-voltaïsme, low-tech, stockage de l’eau … Nombre d’entre elles peuvent aller dans le sens de la résilience alimentaire : autonomie énergétique, adaptation au dérèglement climatique, recyclage des nutriments… Nous souhaitions accompagner ces technologies avec la mise en place d’une évaluation rigoureuse de ces technologies qui permettrait de développer celles qui participent à renforcer la résilience des systèmes agricoles et la souveraineté européenne. Cette évaluation serait à gérer par un organisme indépendant. Il pourrait financer les expérimentations (le plus possible en conditions réelles) et déposer des moratoires sur l’usage des technologies. 
Rémunération
 Garantir des prix plancher aux agriculteurs pour leur assurer un revenu décent et augmenter l’attractivité de la profession.
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Le rapport de force entre agriculteurs et l’aval des filières agro-alimentaire (industrielles, distributeurs) est déséquilibré. Les agriculteurs n’ont donc pas toujours la main sur leur prix de vente qui peut être inférieur à leur coûts de production, difficile alors de vivre décemment de la vente de leur produits. Nous souhaitons garantir des prix de vente minimum (prix plancher) en deçà desquels il n’est pas possible d’acheter un produit agricole permet de sécuriser le revenu des agriculteurs. Ces prix plancher seraient évalués régulièrement par des experts indépendants.

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