Nous avons besoin des agriculteurs
Commençons par le commencement : Équinoxe soutient les agriculteurs. Qu’ils soient maraîchers, éleveurs ou céréaliers, de droite ou de gauche, qu’ils soient issus ou non d’une longue lignée familiale, nous avons besoin d’eux.
La France est historiquement un grand pays d’agriculture, et c’est grâce à nos agriculteurs que nous sommes pratiquement souverains dans le domaine alimentaire. Ces derniers travaillent bien plus que la population générale (87% travaillent 40h ou plus par semaine) pour des rémunérations parfois très faibles et des conditions de travail difficiles.
Depuis la création d’Équinoxe, nous avons souhaité placer l’agriculture au coeur de notre projet politique.
Une loi qui répond au malaise des agriculteurs ?
La proposition de loi Duplomb, ou « Proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » a été adoptée par l’Assemblée Nationale le 8 juillet dernier avec 316 voix pour et 223 voix contre. Elle a été votée par une majorité des députés du camp présidentiel et ceux des groupes LR, Liot, RN et UDR.
Cette loi a été présentée comme un élément de réponse à la crise agricole de 2024 et vise à « simplifier » le métier d’agriculteur, en revenant notamment sur plusieurs seuils et interdictions.
Pourtant, la loi ne fait pas consensus au sein meme du gouvernement : la ministre de la Transition Écologique, Agnès Pannier-Runacher, a montré son désaccord avec cette loi.
Mais alors, est-elle vraiment bénéfique pour la profession ? Étudions son contenu.
Le contenu de la loi
La loi Duplomb est une toute petite loi, elle ne compte que huit articles. Dans ces articles, on retrouve :
- La réintroduction d’un néonicotinoïde, l’acétamipride, interdit depuis 2020 (nous en reparlons par la suite)
- L’augmentation des seuils d’autorisation environnementale pour les élevages intensifs (qui s’appliquera à 3% des élevages, les plus gros)
- Poulaillers : seuil porté de 40 000 à 85 000 volailles
- Porcheries : seuil porté de 2 000 à 3 000 cochons
- La simplification des procédures d’autorisation des ouvrages de stockage pour l’irrigation
- La perte d’autonomie des agents de l’OFB (Office Français de la Biodiversité), qui exerceront sous l’autorité du préfet
La ré-autorisation d’un insecticide controversé
L’acétamipride est un insecticide mis au point dans les années 1990. En France, jusqu’à son interdiction en 2020, il était notamment très utilisé dans les cultures de la betterave sucrière et de la noisette.
Certains producteurs de ces filières sont aujourd’hui fervants partisans de sa ré-autorisation, affirmant n’avoir aucune autre solution pour protéger leur culture. De plus, ils font face à une concurrence déloyale des producteurs européens, qui peuvent quant à eux continuer d’utiliser de l’acétamipride (jusqu’à 2033 au moins).
Le problème, c’est que ce néonicotinoïde est très toxique pour la vie aquatique et terrestre, et en particulier pour les abeilles. Il est aussi soupçonné d’être lié à des problèmes de neuro-développement du foetus, à des cancers (foie, thyroïde, testicules) et à des maladies rénales chroniques, même si l’on manque de recul sur ce sujet.
Des gardes-fous très limités
Il est tout de même à noter que la ré-introduction de cet insecticide ne se fait pas automatiquement : l’autorisation doit être donnée par décret, après l’analyse de deux critères par un « Conseil stratégique » composé d’experts compétents :
- Un risque sérieux et immédiat compromettant la viabilité d’une culture ou d’un secteur agricole
- L’absence de solutions de remplacement existantes ou opérationnelles
La loi prévoit aussi une clause de revoyure au bout de trois ans, puis chaque année, pour vérifier que les critères d’autorisation sont toujours respectés.
Cependant, il est pratiquement certain que les néo-nicotinoïdes seront ré-autorisés par décret pour les deux filières pour trois ans, et ainsi concerner 500 000 hectares de terres.
Et quelques petites victoires
Malgré l’attaque du Sénat contre l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), qui souhaitait renforcer le contrôle politique sur sa feuille de route, la Commission Mixte Paritaire a rétabli son indépendance.
De plus, un alinéa prévoyant d’autoriser des nouvelles activités humaines dans les « zones humides fortement dégradées » a été supprimé.
Ces petites « victoires » obtenues lors des discussions parlementaires ne doivent pas cacher que ce texte de « simplification » profite avant tout aux exploitations agricoles intensives et à l’agriculture conventionnelle à grand échelle. Les mesures de la loi sont principalement portées par la FNSEA et les syndicats agricoles productivistes. La Confédération paysanne s’est ainsi positionnée contre.
Une loi qui ne répond pas à la crise agricole
La loi Duplomb ne propose rien pour mieux rémunérer les agriculteurs, rien pour lutter contre l’isolement en milieu rural, rien pour prévenir les suicides dans la profession, rien pour faciliter la reprise des fermes par les jeunes générations, rien pour aider le remplacement des agriculteurs pendant leurs vacances ou leur arrêt maladie.
En bref, cette loi n’a qu’un seul but : pousser les agriculteurs à produire toujours plus, pour gagner toujours moins, au détriment de leur santé, de celle de leurs sols et de celle des consommateurs. Elle n’est faite que pour le seul profit des très gros exploitants et des groupes agro-alimentaires.
Nos agriculteurs méritent mieux. Les consommateurs français aussi.
La France ne doit pas s’aligner sur le moins-disant, en ré-autorisant des insecticides, mais sur le mieux-disant, quitte à introduire des clauses miroirs pour protéger son agriculture durable.
De même, la solution à la crise agricole n’est pas de rendre les exploitations toujours plus grosses, toujours plus intensives, toujours moins humaines. Nous devons au contraire redonner du sens au métier d’agriculteur, améliorer leurs revenus, susciter des vocations et faciliter la transmission des fermes !
Si vous souhaitez approfondir le sujet, et découvrir nos propositions, nous avons réalisé des podcasts sur le sujet à l’occasion des dernières élections européennes.
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Sources
Vie Publique. Souveraineté agricole et alimentaire de la France : des fragilités « préoccupantes », 10 avril 2024.
INSEE. Conditions de travail dans l’agriculture, 27 février 2024.
ANSES. Les néonicotinoïdes, 30 janvier 2025.
France Inter. Oui, l’acétamipride est bien un insecticide toxique, 5 février 2025.
Le Monde. Le Parlement adopte définitivement la controversée loi Duplomb sur l’agriculture, 8 juillet 2025.
Public Sénat. Néonicotinoïdes : qu’est-ce que l’acétamipride, pesticide réintroduit par la loi Duplomb ? 26 mai 2025.
Sud Ouest. Loi Duplomb : qu’est-ce que l’acétamipride, au cœur de la controverse ? 8 juillet 2025.




